[Version longue romancée présentant les mêmes informations. Sentez-vous libre d'illustrer aussi la réaction de vos personnages à votre gré afin de nourrir l'ambiance
]
- "Bonjour capitaine !"
L'officier de la Garde du Ministère n'eut pas besoin de lever la tête pour reconnaître la salutation chantante qui lui était adressée. Néanmoins il déposa le livre qu'il consultait et salua la candidate aux élections ministérielles. Elle lui rendit son salut avec un sourire qui, bien que pas encore reposé, révélait moins de tension que la veille au soir.
- "Bonjour dame. Que puis-je pour vous ?
- J'aimerais simplement revoir avec vous comment va se dérouler la suite des événements.
- La suite ? Oh, et bien... venez voir, ça sera plus parlant."
Ils sortirent du bureau et traversèrent un long couloir, une volée de marches de pierres puis un nouvel escalier plus étroit, et pénétrèrent enfin dans une vaste salle à colonnades, plutôt basse, équipée de plusieurs tables et aux murs constellés de petites notes, de plans, d'itinéraires et de listes. Nombre de soldats de tous grades s'activaient dans la pièce, certains jetèrent un regard ou un salut mais la majorité restai concentrée. L'officier ne laissa la candidate observer qu'un court instant avant de la faire revenir un peu en arrière et de claquer la porte.
"Tout ce que vous auriez pu voir est couvert du sceau du secret. C'était juste pour vous donner une idée de l'activité de ruche qui règne ici. Et pour répondre à votre question, la prochaine étape se déroulera demain soir, au ministère de nouveau. L'un de nous autres officiers sera en charge de sortir le codex électoral de son coffre afin de le faire bénir par le clergé des Six et que chacun des candidats prête serment dessus.
- J'ai entendu parler de cette légende. Un artefact de Kormir non ?
- Ah ça ! Seuls les Six le savent. Le coffre est une sorte de boîte de métal très brillant, richement travaillé et incrusté de pierreries, et le codex lui-même est constitué de plaques de cuivre prises dans une couverture de bois finement ouvragée et parcourue de fils d'argent, le tout lié par de lourds anneaux. Mais il n'est jamais ouvert lui-même, ni avant, ni pendant, ni après la cérémonie.
- Jamais ouvert ? Jamais jamais ? On ne sait pas ce qu'il contient ?
- Si fait, bien entendu. Je voulais dire que son usage est symbolique. Il ne s'agira pas d'en faire la lecture. Mais une traduction a été faite il y a longtemps, conservée au prieuré de Durmand. C'est un sortilège, lié à celui des urnes il me semble mais, ma foi, je n'y connais pas grand chose. Je dois pouvoir en retrouver une copie profane dans mes dossiers quelque part si ça vous intéresse.
- Oh la la, je serais bien en peine pour l'heure. Je manque cruellement de temps. Mais après les élections pourquoi pas, avec plaisir, sourit aimablement l'intéressée. Et donc, comment est-ce que ça se passe ?"
Il hocha la tête, prenant acte sobrement, et répondit tout en raccompagnant la jeune femme vers son bureau.
- "Très simplement, vous n'avez qu'à vous présenter demain soir au ministère, avec ou sans partisans, c'est libre d'accès pour tous les krytiens, hormis les habituelles conditions de sécurité bien entendu.
- Bien entendu."
Talisman n'était pas le genre de personne à rechigner de laisser son arme ou à se prêter à des exigences qu'elle savait élaborées pour sa sécurité et celle de toutes les personnes qui assisteraient à la cérémonie. Elle hocha docilement la tête.
- "Et bien une fois tout le monde en place, les gardes du ministère sortiront le coffre contenant le codex et le poseront au milieu de l'espace, en vue de tous. Là, l'un de nous autres officiers fera jouer la clé que la reine nous aura fait remettre, ouvrira le coffre, en extraira le codex puis posera ce dernier solennellement sur un lutrin."
Il jeta un œil en arrière, et, constatant qu'elle le suivait tout en restant attentive, continua :
- 'Là le clergé des Six prononcera les paroles sacrées de purification et ce qu'ils ont l'habitude de faire pour attirer le regard des Dieux, puis ils inviteront un par un les candidats, leur poseront une question unique, collégiale, à chacun, écouteront sa réponse et recevront son serment devant les Six.
- Et... si la réponse les contrarie ?
- Ca... c'est entre eux, le candidat et les Six. On dit qu'un jour un candidat a trouvé la mort, comme ça, subitement, avant même de prononcer un mot. Oh il était âgé, plus qu'il n'aurait sans doute fallu. Alors allez savoir. Ce qui est certain, c'est qu'il ne faut pas sous-estimer leur influence sur notre peuple. Même si les Six restent muets, leurs prêtres n'en sont pas pour autant dénués de moyens.
- Vous voulez dire qu'ils ne réagiront pas à la réponse ?
- Non, pas sur le moment. Ils la laissent à l'appréciation de nos dieux. S'il y a des réactions, elles seront d'un autre ordre, si vous voyez ce que je veux dire.
- Oui oui, je crois."
Elle relâcha sa robe qu'elle avait tenu en main pour monter l'escalier à la suite des grands pas du soldat, et croisa les bras autour de sa poitrine pour réprimer un frisson. Non pas qu'elle soit superstitieuse, ni même inquiète, mais les propos de l'officier en disaient long sur les réseaux d'influence insoupçonnés dont le clergé pouvait disposer. Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Il enchaîna :
- "Ensuite le candidat prête serment et reçoit la bénédiction des prêtres. Et quand tous sont passés, la garde du Ministère remballe le codex dans le coffre, le verrouille, et les gardes le remettent à l'abri des salles fortes. Les prêtres invitent à une courte prière et bénissent l'assemblée. Ensuite dispersion de la foule, fouille des gradins, fermeture des portes, procédure habituelle.
- Je vois. Il y a un texte imposé pour le serment ?
- Bien sûr, attendez, je vous donne ça."
Il ouvrit de nouveau la porte de son bureau, lui indiqua une chaise qu'elle refusa, arguant qu'elle n'allait pas rester, et fouilla un instant une pile de documents afin d'en extraire les copies qui allaient être remises en journée à chacun des candidats, avec cachet authentique du ministère apposé par son Excellence dame Swan :
"Tenez, celle-ci est pour vous. Je vous la remets en main propre. Les autres recevront la leur dans la journée. Si vous voulez bien signer ici.
- Merci."
Elle s'empara de la plume qu'il lui tendait, l'égoutta et signa d'un geste vif et élégant, puis brisa le sceau. Enfin elle lut à voix haute le texte qui l'intéressait au delà des formules de politesse exigées par l'étiquette.
"Je jure de remplir intégralement et honnêtement les conditions qui me permettent de me présenter à l'élection ministérielle, dans le respect de nos lois et fidèle à notre reine et à ses institutions. Que les Six me viennent en aide."Il se contenta de hocher la tête avant de préciser : "Vous aurez remarqué que la formule est générique, s'adaptant aussi bien à un homme qu'à une femme. Nous avons parfois eu des soucis avec ça par le passé.
- Oui. Il n'y a que le "reine" qui puisse éventuellement changer. C'est habile.
- Ça n'est pas tous les jours que les Six font qu'il faut changer ça, par chance.
- Vive la reine, sourit la candidate avec un amusement non dénué de conviction.
- Vive la reine !" répondit l'officier avec ferveur.