Par les Six, quelle agitation ! Il était désormais impossible d'ignorer que du changement allait avoir lieu prochainement. Les tapis des escaliers avaient été démontés, emportés pour un rafraichissement par des artisans spécialisés. Certaines tentures manquaient à l'appel, roulées sur le sol ou, si elles étaient toujours en place, faisaient l'objet d'un dépoussiérage minutieux. Là un peintre montait son échafaudage, et ici une armada de serviteurs briquaient et astiquaient sous l'oeil expert de leurs divers responsables. Un charpentier d'art rattrapait quelques traces d'usure dans l'un des grands salons et deux jeunes femmes s'occupaient de rénover les éclats des rembardes à petits coups de pinceau précis sur des feuilles d'or plus fines qu'un cheveu.

A l'étage, le premier secrétaire Paynj'i n'en finissait plus de frémir d'indignation. Sa moustache toujours aussi hérissée, il grattait furieusement de sa plume quelques imprécations soigneusement policées dénonçant pour lui-même ces candidats détestables dont les candidatures insultaient l'institution. Probablement ne ferait-il jamais part de ses avis péremptoires, mais les coucher sur le papier et les ranger soigneusement dans une pile de dossiers personnels accumulés depuis son arrivée participerait à faire diminuer ses risques de récidive d'ulcère. Si le ministre Caudecus voyait ça ! Une honte vous dis-je !

Talisman acheva de déposer ses affaires, vérifia rapidement les courriers du jour, puis alla s'enquérir du nombre de candidatures pour les élections des ministres dont la charge était remise en jeu. Avec son air revêche habituel, Paynj'i lui refit un inventaire d'une précision d'horloger. Le nombre était non négligeable, pour le moins, et la fin de la période de candidature était encore loin. Un minutieux travail de vérification en perspective pour les différentes lignes du devoir. Tranquillement, elle remercia gentiment le fonctionnaire qui lui répondit d'un sourire évadé qu'il aurait surement voulu moins aimable.

Talisman vérifia machinalement sa toilette dans les grandes glaces du corridor tout en dirigeant ses pas vers le bureau du capitaine. Elle souhaitait confirmer avec lui que tout était en ordre afin de continuer à alimenter sa ministre de bonnes nouvelles autant que possible de sorte que cette dernière puisse conserver un rythme de travail raisonnable qui n'empiète pas trop sur sa vie privée... d'autant que la date du mariage approchait !

Il fallait encore voir avec le capitaine ce qu'il souhaitait répondre aux entreprises désireuses d'être référencées au titre de fournisseur officiel pour l'équipement de ses troupes, et qu'elle trouve un arrangement pour qu'une partie des gardes, en cette période de tension particulière sur le ministère, soit définitivement affectée à la protection rapprochée des ministres.

Il fallait encore vérifier le nombre et l'état des urnes, mettre en œuvre les imprimeurs officiels et les enchanteurs spécialistes qui garantiraient l'authenticité des sceaux à apposer sur chaque boîte. En enfin restait à planifier leur répartition et leur acheminement dans la plus haute sécurité, aller et retour.

Il y avait du pain sur la planche, elle adorait ça !