Takred avait particulièrement bien dormi. En même temps, rares étaient les nuits où il dormait mal. Même les soirées où il avait le plus de difficulté à trouver le sommeil, il y parvenait et il y oubliait bien vite ses problèmes et ses inquiétudes. La présence de Peltronyl y était pour beaucoup ; après plusieurs mois de nuits communes, elle lui était devenue indispensable pour trouver le repos. La chaleur de son corps était un foyer contre lequel il aimait dangereusement se blottir. Son odeur était un doux parfum qu'il humait sans gêne. Sa respiration était une mélodie qu'il avait besoin d'entendre. Et ses bras avaient pour lui bien plus d'efficacité que n'en avaient ceux de Morphée. Il avait besoin d'être à ses côtés. 

Quand il ouvrit les paupières, et ce non sans difficulté à cause de la lumière qui lui brûlait les yeux, il la vit. Elle était là, assise à ses côtés et enroulée dans des draps de manière à cacher sadiquement sa nudité du regard endormi mais toujours attentif d'un simple mortel. Elle semblait être restée là à le regarder depuis plusieurs heures déjà. Il la regarda aussi. Elle lui sourit. 

- Par les six, gémit Takred tout en se massant les paupières. Qu'ais-je fait pour mériter un tel regard de si bon matin ? Aurais-je fait quelque chose que tu t'es mise en tête de me faire regretter ? Ciel, serait-ce déjà notre anniversaire de mariage ? Mmh.. Mais quelle heure est-il ? Pourquoi ne m'as-tu pas réveillé plus tôt ?

Peltronyl rigola doucement. Elle semblait parfaitement réveillée, et les rebondissements des rayons du soleil sur sa peau et sur sa chevelure la rendaient divinement belle. Si belle qu'elle en était presque intimidante. Takred n'était malheureusement pas encore entièrement disposé à remarquer cela. Ses yeux brûlaient encore, et il n'aurait pas craché sur quelques heures supplémentaires de repos si son devoir n'exigeait pas de lui qu'il se lève de bonne heure. 

- Tu avais besoin de dormir, lui répondit-elle. Tu es beau quand tu dors.

- Seulement quand je dors ? Et bien, malheureusement pour toi, femme, je suis réveillé maintenant. Fuis avant que tu ne voies se présenter ma laideur !

Elle rigola à nouveau. Son rire était beau à entendre. Doucement, elle glissa vers lui et elle vint le vêtir avec les mêmes tissus qui, jusqu'à présent, suffisaient à l'habiller. Elle posa ses lèvres dans son dos, tandis qu'une de ses mains vint s'égarer sur son torse. Une main que Takred intercepta juste au bon moment avant qu'elle n'atteigne un objectif bien que trop précis. Il tourna la tête pour tenter de croiser son regard, et il murmura.

- Peltronyl , s'il-te-plait. Je dois m'habiller.

Sa femme lui répondit en hochant la tête, mais le tout en affichant une légère moue de déception, certainement pour le faire malicieusement culpabiliser. Il feignit d'en être insensible et il se leva. Peltronyl Volderodh, quant à elle, resta dans ses draps pour le regarder faire. Et après un instant, elle se mit à tousser poliment pour pouvoir à nouveau s'accaparer d'une partie de son attention.

- Le page est passé, ce matin, pendant que tu dormais. Il m'a apporté une lettre émanant du tribunal de Kryte.

Après avoir enfilé ses chausses, Takred avait à peine commencé le laçage des manches de sa chemise qu'il s'arrêta net et pour regarder sa femme. Elle tenait dans ses mains une missive encore enroulée. Une missive qui semblait sortir de nul part. Il s'exclama.

-  Et depuis quand le valet donne-t-il mon courrier à une femme ? Devrais-je ordonner à mes hommes de le pendre haut et court pour trahison ?

- Depuis que je m'occupe de vos finances ; vous aviez bien besoin d'une femme pour remettre de l'ordre dans vos affaires.

- Il est vrai, avoua le Valyena en s'avançant vers son épouse. Donne la moi, maintenant.

Peltronyl leva son bras pour éloigner d'avantage la missive de l'homme à qui elle était adressée. Elle fit un sourire empli de malice et elle frappa son homme avec un regard qui diluait à la perfection autorité et désir.

- Embrassez-moi, miaula-t-elle.

Takred lâcha un soupir de désespoir. Il la regarda droit dans les yeux, la main tendue. Il savait qu'elle allait gagner et qu'elle allait s'emparer de lui. C'était couru d'avance, mais il tenta quand même de lui résister. C'était nécessaire car, sans cela, le jeu en n'en valait pas la chandelle. Dans un murmure, il prononça son nom comme pour lui demander d'arrêter, sans savoir vraiment si, au fond de lui, c'était ce qu'il voulait ou non. Mais, de sa voix jeune et sur un ton faussement autoritaire, elle ne lui répondit que plus sèchement.

-  Embrassez-moi, j'ai dit.

Et il s’exécuta, sans jamais s'attendre ou même se soucier des nouveaux dangers auxquels il allait faire face.